L’arc, la cible et la flèche.

Tout comme l’archer manipule son arc pour que la flèche décochée atteigne la cible, le nocturnaliste manipule une méthode pour que les informations soient articulées en champs d’actions possibles.

La méthode du journalisme .

Il convient d’abord de s’interroger sur les pratiques fondamentales du journalisme, puisque notre activité se présente comme complémentaire à ce métier-là. Plus précisément, nous mimons l’activité du journaliste en “freelance”, puisque, comme lui, nous ne sommes pas assuré a priori de pouvoir sécuriser nôtre activité professionnelle. Nous prenons alors en compte ces mots du tirés du site LegalPlace :

“la recherche, le recueil et le traitement d’informations constituent [l]es principales missions [du journaliste freelance]. Occupant une grande partie de son temps de travail, la recherche et le recueil d’informations nécessitent de veiller sur l’actualité concernant une thématique définie et dans un secteur géographique précis.”

L’avantage de prendre en compte ces consignes, c’est qu’elle nous donne le cadre qui fait de l’activité de journaliste un métier possible. Ce cadre, c’est l’arc du journaliste, son instrument de travail. Nous y taillerons le nôtre

L’arc du nocturnaliste.

Quel est alors le cadre minimal permettant au nocturnaliste de prétendre accomplir un travail ?

Elle (ou lui) aussi devra rechercher, recueillir, et traiter des informations. Mais pour le faire elle ne veillera pas sur l’actualité. Elle veillera sur la virtualité. Ce qui veut dire qu’elle ne veillera pas sur ce qui est arrivé. Elle veillera sur ce qui peut arriver.

Veiller sur ce qui peut arriver.

Comment veiller sur ce qui peut arriver ? En manipulant bien son arc, et en orientant bien sa flèche, tout en prenant en compte les variables environnantes.

C’est-à-dire que le ou la nocturnaliste recherche, receuille et traite des informations en visant à dire quelles possibilités se dessinent au travers d’elles. Mais dire ceci, c’est comme dire : l’archer manipule son arc en visant à atteindre la cible – ça n’a aucun sens tant que nous n’avons pas de flèche, et que nous ne savons pas en fabriquer.

La flèche nocturnale.

Comment atteindre les possibilités qui se dessinent au travers d’informations receuillies ? En articulant ces informations entre elles, et en dégageant des façons distinctes de les articuler. Pour continuer à filer la métaphore, chaque flèche est un réseau d’informations dont la mise en relation cohérente fait apparaître certaines possibilités pour l’action.

Tandis que la flèche fabriquée permet alors d’atteindre un champ de virtualités discernable, chaque fabrication de flèche est un exercice d’articulation, puis de désarticulation, puis de réarticulation des informations. Cette activité offre à chaque fois différentes possibilités pouvant être atteintes à partir des information receuillies. Et chaque flèche nocturnale dessine ainsi ses virtualités propres. Le travail du nocturnaliste sera de passer maître en fabrication de flèches.

Les faiblesses de l’archer

Mais tout comme la flèche décochée est la fille du vent et la fuite de l’oiseau, le discours qui virtualise un possible réalisable est soumis a toutes ses variables incomprises et provoque la réaction d’antagonistes. Le nocturnaliste s’engage sur une voie doublement dangereuse : d’un côté, il élance une trajectoire possible dans un devenir seulement probable, de l’autre il cristallise un parcours matériel qui en retour provoquera dans la matière des changements incontrôlables.

C’est pourquoi une éthique s’impose au métier :

  • Responsabilité du possible dessiné, assumer la flèche taillée.
  • Ouverture aux variables incomprises, attention à la direction du vent.
  • Qualité des infos receuillies et traitées, entretien de l’instrument.
  • Anticipation des matières altérées, compréhension des vies en jeu.
  • Maîtrise de ses limites, critique continue de l’activité.

L’épreuve de maîtrise en nocturnalisme

L’éthique mentionnée se veut préliminaire et indicative. Il faudra faire face aux défis les plus pressants qu’impose la pratique à cette activité avant de pouvoir en dégager une déontologie digne de ce nom.

Néanmoins, pour commencer, il nous faut proposer une épreuve distinguant les maîtres en cet art des débutants ou des saboteurs. Cette exigence miroite la problématique, dans le journalisme d’actualité, de l’évaluation de ce qui relève d’un fait et de ce qui relève d’une fausse information. Tout comme le journaliste se veut le défenseur de la réalité tel qu’elle a eu lieu, le nocturnaliste se veut le défenseur de la réalité telle qu’elle peut être. Comment, alors, faire ses preuves en cette matière ? Comment différencier un bon d’un mauvais nocturnaliste ?

A la consistance avec laquelle les champs de virtualités dessinés peuvent s’actualiser.

Méthode et évaluation d’un nocturnal

Nous pouvons alors résumer la méthode du nocturnalisme, et faire apparaître distinctement sous quel critère il s’évalue.

La recherche, le recueil et le traitement d’informations constituent les mission principales du nocturnaliste. Mais là où le journaliste recherche, receuille et traite pour communiquer ce qui s’est passé, le nocturnaliste le fait pour communiquer ce qui est en train de devenir possible concernant une thématique définie et dans un secteur géographique précis.

C’est en ceci que nous pouvons dire qu’il ne veille pas sur l’actualité, a proprement parler, mais sur la virtualité.

Dès lors, la qualité d’un nocturnal et de ses nocturnalistes ne repose pas sur une fidélité aux évènements objectifs, mais sur une fidélité aux modifications dans les subjectivités qu’ont permis les évènements.

Cette fidélité ne se mesure pas sur l’axe vérité/fausseté, mais sur l’axe validité/invalidité. En effet, si les faits rapportés par le journaliste doivent être vrais et renvoyer aux évènements tels qu’ils ont effectivement eu lieu, les projets rapportés par le nocturnaliste doivent être valides : ils doivent renvoyer aux possibilités telles qu’elles se présentent comme articulable et non-contradictoire à partir de certaines histoires et de certains projet, de certains outils et de certaines institutions présentes dans la situation analysée.